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Bienvenue sur mon blog professionnel !

Celui-ci est dédié à ce que j'appelle l'Art et la Science du Leadership. La Science du Leadership, ce sont les travaux de recherche menés depuis près d'un siècle sur les leaders et le leadership. C'est le Leadership saisi par la raison logique et la méthode scientifique. L'Art du Leadership, c'est la perception et la pratique du leadership au quotidien, celles de ceux qui agissent en leader ou s'engagent à leurs côtés. C'est le leadership saisi par la raison sensible, l'expérience et l'émotion. L'un ne va pas sans l'autre, chacun nourrit notre réflexion et notre pratique du leadership. Vous trouverez ici mes projets, productions, collaborations, réflexions et recommandations sur l'art et la science du Leadership et les équipes dirigeantes.

jeudi 4 juillet 2013

Conférence sur le genre du leadership

Le 31 mai dernier, j’avais le plaisir d’intervenir à Caen, auprès des managers du Crédit Agricole, de KPMG et de Sodexo à l’occasion d’une soirée consacrée non pas au sexe des anges mais à celui du leadership !

Humour + Femme = changement 

Une soirée pas comme les autres, puisque celle-ci débutait avec une performance de Blandine Métayer, auteure d’un one woman show intitulé : « je suis top ! », narrant avec humour l’accession d’une femme au comité de direction de son entreprise. Je m’attendais à rire, je fus aussi émue par l’histoire de cette femme qui tente de trouver sa place entre comportements machistes et tentation de l’auto-sabotage. Je fus également admirative du travail d’enquête et d’entretiens menée par Blandine Métayer, conseillée par Brigitte Grésy, (!) pour écrire ce spectacle que l’on sent nourri du vécu des femmes qu’elle a rencontrées mais également de la littérature sérieuse qu’elle a su intégrer et mettre en scène avec une efficacité que lui envierait n’importe quel enseignant en management !

Difficile ensuite de venir parler des travaux scientifiques sur le leadership, mais pari réussi si l’on en croit les retours enthousiastes du public !

Les femmes de pouvoir ne sont pas aimables

Mon exposé a débuté avec ce reportage consacré à Sheryl Sandberg et surtout cette couverture audacieuse de Time Magazine intitulée : « Ne la haïssez pas parce qu’elle a du succès ». Depuis quelques mois, la N°2 de Facebook a en effet relancé le débat et nourrit les polémiques autour des conditions d’accès des femmes au pouvoir ainsi qu’à la reconnaissance et l’affirmation de leur leadership personnel. Ce titre de Time Magazine fait non seulement référence aux critiques qui ont été adressées à Sheryl Sandberg (tour à tour accusée d’être trop diplômée, trop riche, trop visible, trop investie dans son travail au détriment de ses enfants, trop donneuse de leçons, bref TROP….) mais également à une étude de Franck Flynn, professeur de comportement organisationnel à Stanford, citée par Sandberg dans son ouvrage, et qui montre qu’à parcours, compétences et comportements identiques, un homme est jugé sympathique et reconnu comme un leader tandis qu’une femmes est jugée désagréable et potentiellement autoritaire. En effet, la question se pose : reprocherait-on à un dirigeant d’entreprise masculin d’être diplômé de Harvard, d’être l’un des mieux payés et des plus influents de sa génération, d’avoir investi beaucoup d’énergie dans son travail et d’écrire un ouvrage parlant de leadership pour livrer ses conseils aux jeunes générations ? Du moins ne l’a-t-on jamais reproché à Jack Welch qui vendit il y a 10 ans plus d’un million d’exemplaires de son subtil manuel de leadership personnel: « Jack straight from the gut »

La théorie de la congruité/ l'incongruité

Ce que met en lumière cette couverture consacrée à Sheryl Sandberg, c’est ce qu’Alice Eagly (2002, 2007) spécialiste du genre et du leadership à l’université de Northwestern appelle la théorie de l’incongruité. Selon elle, si le fait que des femmes exercent du leadership pose problème et suscite de la méfiance, c’est que ces dernières déclenchent chez chacun d’entre nous comme un sentiment d’étrangeté. Une femme leader, qui a du pouvoir, cela nous parait incongru. Cette incongruité, explique Alice Eagly vient de ce que le stéréotype du leader et le stéréotype de genre (la femme) ne s’accordent pas. Il suffit de décrire le contenu de chacun d’entre eux pour le comprendre. Plusieurs études (Rosener, 1995; Sczesny, 2003) ont ainsi montré que lorsque nous pensons à la catégorie « homme » nous associons des traits tels que la rationalité, la compétition, la force, l’affirmation de soi, la décision, des traits que les psychologues qualifient « d’agentiques », c’est-à-dire centrés sur l’action individuelle. En revanche, lorsque nous pensons à la catégorie « femme », nous associons des traits tels que la beauté, la douceur, le soin, le sexe ( !), la considération, des traits que les psychologues qualifient de « communaux » c’est-à-dire centrés sur le dévouement à la communauté. Enfin quand nous faisons appel à la catégorie mentale du leader (i.e. au stéréotype du leader), nous associons des traits dont une majorité sont agentiques et partagés avec ceux du stéréotype masculin.

Le syndrome de la femme à barbe


C’est ce que j’appelle le syndrome de la femme à barbe. Dans un stand de foire ou elle joue les attractions, ou encore dans un bocal rempli de formol sur l' étagère d'un cabinet de curiosités: voici la femme de pouvoir. Le collectif féministe la barbe l’a bien compris qui s’invite en postiche dans ces lieux de pouvoir où les femmes sont  absentes sans que personne ne trouve cela « curieux » ou « bizarre ». Pour ma part, j’ai souvent recours à cette inégalable publicité sur les stéréotypes masculins, pardon sur les rasoirs pour hommes : la perfection au masculin... La visionner, outre nous faire sourire, nous rappelle qu’extirper les stéréotypes de genre de notre représentation du leader est un service rendu au leadership, aux femmes mais également aux hommes qui n’en méritaient pas tant, vraiment...




Alors que faire ? 
Premièrement prendre conscience de la nature profondément genrée de notre conception du leadership, nous avons beau protester que non, les choses évoluent, étude après étude les chercheurs montrent que cette dimension demeure.

Deuxièmement, se tenir informer des études réalisées sur l'efficacité des leaders et des styles de leadership pour finalement découvrir que notre stéréotype du leader est loin,  très loin, de réunir des traits et des comportements productifs lorsqu'il s'agit de d'engager et de motiver ses équipes. Ainsi, les chercheurs ont-il montré que l'un des comportements de leadership les plus efficaces est...la considération pour ses équipes (un trait typé comme féminin qui n’apparaît pas central dans notre stéréotype). 

Troisièmement, se convaincre, qu'hommes et femmes ont tous intérêt à faire évoluer ensemble un stéréotype du leader qui n'a plus grande pertinence dans l'entreprise d'aujourd'hui qui expérimente les limites de l'autorité hiérarchique, de la rationalisation organisationnelle, du management par objectifs et de la normalisation des comportements. La mission commune: faire émerger le stéréotype du leader qui correspondra à notre époque globale, ouverte et métissée, un stéréotype inclusif qui permette à chacun d'être reconnu comme un leader potentiel et de s'imaginer comme tel


Quatrièmement, et puisque tout cela prendra du temps, commencer par quelques stratégies efficaces:


Première stratégie, désarmer le stéréotype de genre en mettant en avant son rôle professionnel par exemple ou une autre appartenance: une de mes amies qui exerce des responsabilité dans un univers très masculin (la finance) m'a dit un jour: "moi ce qui m'a servi, c'est que  j'étais perçue avant tout comme une anglaise plutôt que comme une femme ! Il était donc tout à fait "normal" que je fasse des choses "bizarres" !




Autre stratégie qu'évoque Sheryl Sandberg dans son ouvrage : servir le stéréotype de genre en première instance pour créer un cadre familier et rassurant pour son interlocuteur. En d'autres termes, Mesdames, commencer par être gentille et aimable, mais ensuite....ne rien lâcher. C'est visiblement ce que fait cette dirigeante, qui ne vacille face à la critique, perchée sur des talons de 12 cm, à la tête d'une entreprise laboratoire des nouvelles pratiques de management.

Références

Eagly, A. H., & Carli, L. L. (2007). Through the labyrinth: The truth about how women 
become leaders. Boston: Harvard Business School Press.


Eagly, A. H., & Karau, S. J. (2002). Role congruity theory of prejudice toward female 
leaders. Psychological Review, 109, 573-598.


Rosener, J.B. (1995). « Sexual static », in Rosener, J.B. America’s competitive secret : Utilizing Women as a management strategy. Oxford University Press. 67-83.

Sczesny, S.  (2003). A Closer Look Beneath the Surface: Various Facets of the Think-Manager–Think-Male Stereotype, Sex Roles, Vol. 49

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