L'hubris des dirigeants (la perte du sens de la mesure et l'orgeuil excessif) et les effets/méfaits de l'exercice du pouvoir sont une question d'actualité: la preuve avec cette chronique de Sébastien Bohler, docteur en neurobiologie et rédacteur de la revue Cerveau & Psycho. Dans ces deux chroniques proposées dans l'émission 28' d'Arte, celui-ci revient sur plusieurs résultats issus de la neurobiologie et de la psychologie expérimentale:
Le pouvoir addictif
L'exercice du pouvoir modifierait l'équilibre chimique du cerveau. Celui-ci activerait la production de dopamine (productrice de plaisir) dans une zone du cerveau liée à la récompense, poussant l'individu à l'accumulation des ressources matérielles et des relations sexuelles. ce système de récompense fonctionnant selon un principe de renforcement, il conduit l'individu à rechercher toujours plus, provoquant un phénomène d'addiction proche de celui provoqué par la consommation de certaines drogues, et relié à ce même système de récompense.
Ceci expliquerait notamment des phénomènes tels que l'enracinement des dirigeants (s'accrocher au pouvoir) mais également le nombre de relations sexuelles supérieur à la moyenne constaté chez les dirigeants ...
Les illusions du pouvoir
Première illusion : Lorsqu'un individu est mis dans une situation de pouvoir, il tend à s'illusionner sur l'image qui lui est renvoyée par ceux qui l'entourent (surestimation positive). Un seul témoignage positif est ainsi intérprété comme un plébiscite etc. Le détenteur de pouvoir tend dès lors à surestimer sa légitimité réelle. Une explication possible de l'une des composantes de l'hubris (le sentiment d'être le seul qualifié pour exercer la fonction) à l'origine de l'enracinement du dirigeant.
Deuxième illusion: Lorsqu'un individu est mis dans une situation de pouvoir, il sous estime (jusqu'à 70%) le temps requis pour effectuer une tâche. Ceci explique, par exemple, la fixation d'objectifs irréalistes, en particulier quand le dirigeant n'est pas celui qui fait mais celui qui commande aux autres de faire...Peu confronté au temps réel requis pour réaliser une tâche, persuadé que s'il devait la réaliser il lui faudrait beaucoup moins de temps que ce que suggèrent ceux qui sont, eux, confrontés à la réalité opérationnelle...voila la porte ouverte à un management tyrannique et/ou une stratégie irréaliste.
Ces deux chroniques font suite aux travaux de Owen et Davidson paru en 2009 dans la Revue Brain et proposant de décrire le Syndrome d'hubris. Un syndrome qui concernerait ceux qui détiennent le pouvoir et regrouperait, en plus de traits relevant de troubles de la personalité déja répertoriés (personalité narcissique, antisocial notamment), des traits propres à l'hubris tel que le sentiment d'être irremplaçable. Les travaux d'Owen (qui est psychiatre et ancien homme politique) ont suscité l'organisation d'une conférence de la Royal Academy of Medicine qui se tiendra dans un mois à Londres et intitulée: "the intoxication of power: from neurosciences to hubris in healthcare and public life". Un titre faisant directement référence à l'ouvrage de David Owen: "The hubris syndrome:Bush, Blair and the intoxication of power".
Dans deux articles publiés en 2010 et 2012 avec ma collègue Helen Bollaert, nous avions discuté les travaux sur l'hubris du dirigeant et notament ceux de Owen et Davidson. Nous proposons une description complémentaire, centrée sur les comportements observables dans un contexte d'entreprise avec un focus sur les dirigeants d'entreprises (Owen se concentre plutôt sur les dirigeants politiques). Voir mon post à ce sujet
Reférences
- Bollaert, H. & Petit, V. (2010) Beyond the Dark Side of Executive Psychology: Current Research and New Directions, European Management Journal, Volume 28, Issue 5, 362-373
- Petit, V &
Bollaert, (2012) H. Flying too close to the Sun: Hubris among CEOs and how to
prevent it,Journal of Business Ethics, 108(3):265-283.
- Owen, D., & Davidson, J. (2009). Hubris syndrome: An acquired personality disorder? A study of US Presidents and UK Prime Ministers over the last 100 years. Brain, 132, 1396–1406.
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